Catégories Vie Perla

18.07.2024

Voyage à Avignon

per Albert Reverendo

Cette semaine, une partie de l'équipe a été à Avignon et nous avons discuté des débuts du festival. Marc et Bet l'ont lu à la Maison Jean Vilar. Comment le Festival d'Avignon a-t-il commencé ? Eh bien, ils disent qu'il a commencé avec une compagnie de théâtre et une auberge :

Lorsque, en 1974, la petite compagnie de Jean Vilar est arrivée pour la première fois en ville pour participer à la Semaine des Arts organisée par la mairie, ils cherchaient un restaurant qui les accueillerait et leur donnerait à manger. Georges Pons, maire de la ville, leur a conseillé de se rendre à l'Auberge de France, idéalement située à deux pas du Palais des Papes, où ils avaient monté la scène sur laquelle ils jouaient. Les propriétaires de l'auberge, Jeanne et René Struby (associés avec le couple Barthès), ont accepté de transformer un salon du premier étage en salle à manger pour les acteurs et les techniciens. L'année suivante, ils sont revenus et, bien que Jean Vilar n'avait pas les moyens de régler la facture, le couple Struby ne lui en a jamais voulu, conscients qu'ils participaient à une aventure exceptionnelle. Festival après festival, cet endroit est devenu le refuge de Jean Vilar et de sa compagnie, et ils ont établi une forte relation d'amitié avec Jeanne et René, puis avec leur fille Françoise, qui a continué avec le restaurant avec son mari Primo Tassan.

Ces jours-ci à Avignon, nous avons réfléchi à cette anecdote des débuts, et cela nous fait penser que les projets les plus grands commencent souvent par une entente personnelle, par l'énergie d'un groupe de personnes qui croient en ce qu'elles font et le transmettent, et par l'ouverture d'autres personnes qui savent recevoir et accueillir. Avec le théâtre et la nourriture, avec l'effort et le plaisir de le faire. À l'époque, personne n'imaginait sans doute où ce festival naissant irait, mais dans ce premier chapitre, on ressent une atmosphère de qualité, de bon traitement personnel, et de faire en sorte que cela en vaille la peine.

On se demande souvent si le théâtre est plus lié à un chemin ou à un résultat. Sans doute les deux sont importants, et c'est ce avec quoi nous nous sentons en résonance. Qu'est-ce que l'art a qui le rend nécessaire alors qu'il pourrait être totalement superflu ? Pourquoi choisissons-nous de vivre et de parler au monde à travers le théâtre ? Peut-être est-ce une manière de célébrer la vie en essayant de la rendre éternelle dans une œuvre, ou d'admettre que tout résultat que nous atteignons ne sera jamais définitif car il sera toujours soumis aux lois de la vie. C'est comme préparer un bon repas en bonne compagnie, comme se préparer à accueillir des amis chez soi, comme le temps que l'on prend et ne prend pas lorsque l'on fait une pause après le repas. Tout cela est de donner de l'espace au plaisir, même à travers une œuvre douloureuse, pour cohabiter avec ce que nous avons de fugace et de passager.

Et il est toujours poétique de voir une compagnie faire un effort titanesque pour ériger un château dans les airs, une histoire sur scène. Tout cela, nous pourrions nous en passer, artistes et spectateurs, mais nous y sommes, notre vie en dépend car c'est un engagement qui dépasse notre propre personne. Et lorsque cela naît de la confiance et de l'admiration mutuelle, de l'ouverture et du désir de découvrir, tout ce non-sens devient plus nécessaire que jamais et prend une vie propre. Comme ce Festival d'Avignon, qui bouleverse une ville et la remplit de compagnies de théâtre, de passionnés, de critiques avides de grandes expériences, d'affiches et de brochures, de salles et d'espaces éphémères, de terrasses et de restaurants, de commerçants, d'artistes et de raconteurs d'histoires. Tout cela pour le théâtre !

L'année dernière, lorsque nous célébrions les 20 ans de La Perla, Lídia a écrit un texte qu'elle a lu devant beaucoup de nos amis et collaborateurs. Nous voulons le partager à nouveau car il décrit très bien ce sentiment si cher à nous :

"Nous sommes à un dîner au cœur de la Toscane, quelqu'un crie et rit en même temps, quelqu'un ne reste pas en place, tournant autour de la table et des cuisines... Tout le monde cuisine, tout le monde parle, fort et avec passion. Les nappes se salissent rapidement et le vin est toujours servi en abondance. Quelqu'un a préparé la pâte à la main, qui doit encore cuire, quelqu'un a mijoté la sauce pendant des heures, quelqu'un apporte des fromages faits par le voisin, des desserts ou du vin.

Sur les tables italiennes, la nourriture ne manque jamais. Tout le monde y participe.

La lumière de cette image, chaude, orange, avec un peu de fumée ou de brume... Entre l'intimité et le collectif. Les heures passent comme des minutes. Le repas est terminé et la table est une parfaite nature morte. Une image pleine de beauté qui attend la prochaine rencontre.

Et ce sont tous ces moments, cuisinés à feu doux, une exaltation de la vie, du mouvement, de la poésie et de l'intensité, qui me rappellent ce que signifie être une perle. Nous, les 29, nous sommes chez nous. Et chaque fois que nous revenons ici, ensemble, avec de nouveaux projets, cela me rappelle le sens de tout ce que nous avons construit ensemble et me remplit de souvenirs que j'espère voir se multiplier avec les années."
Albert Reverendo
Coordination artistique et Contenu
 

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