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08.04.2025

Chronique d’un voyage en Italie

NOUS SOMMES PARTIES À TURIN, MILAN ET VENISE POUR CONTINUER À DÉCOUVRIR DIFFÉRENTS THÉÂTRES ET POUR ÉLARGIR LE PROJET INTERNATIONAL DE LA PERLA 29.

 

Turin

Nous sommes arrivées à Turin vendredi après-midi. Une ville majestueuse, froide, brumeuse (et assez pluvieuse), mais très, très vibrante, avec une vie culturelle intense. Nous avons rencontré Marco Lorenzi et Barbara Mazzi, de la compagnie Il Mulino di Amleto, ainsi que Beppe Rosso, de la compagnie ACTI Teatri Indipendenti. Ensemble, ils ont fondé la société de production AMA Factory.

Il Mulino di Amleto a monté Come Gli Uccelli en Italie en parallèle de notre production, et est actuellement en tournée. En octobre, ils sont venus voir Tots Ocells à la Biblioteca, et ont aussi assisté au Festival Shakespeare. À Turin, ils présentaient leur Come Gli Uccelli au Teatro Carignano, et ce fut émouvant de redécouvrir cette œuvre que nous connaissons et aimons tant, à travers le regard des autres. Regarder un même monde à travers les yeux de l’autre est, d’ailleurs, l’un des grands enseignements que nous propose Wajdi Mouawad dans cette œuvre magistrale. Après la représentation, nous avons dîné avec toute la troupe et quelques amis, partageant notre passion pour Mouawad, pour l’univers de Tots Ocells, et pour nos parcours théâtraux respectifs.

Nous avons aussi partagé un déjeuner très inspirant avec Marco, Barbara et Beppe le samedi midi. Comment fonctionne chaque compagnie ? Qu’est-ce qui nous inspire et que poursuivons-nous ? Quel théâtre rêvons-nous de créer ? Comment fonctionne le théâtre en Italie et en Catalogne ?Ils nous ont ensuite montré leur espace, situé dans l’ancien cimetière San Pietro in Vincoli. Une petite chapelle magnifique avec une cour accueillante, des bureaux et une salle de répétition. Nous avons été touchées par l’authenticité du lieu et par les couches de temps qu’il contient. Cela nous a rappelé la Biblioteca, avec les exigences d’un lieu qui n’a pas été pensé à l’origine pour le théâtre, et qui peut donc être pluriel. La conversation s’est poursuivie : qu’est-ce que cela signifie d’être contemporain, européen, d’être théâtre ? Nous avons commencé à imaginer une initiative que nous avons très envie de développer… Mais nous vous en parlerons très bientôt…

Milan

Marco et Barbara nous ont également présenté l’équipe du Teatro Elfo Puccini de Milan. Leur tournée de Uccelli passait par ce théâtre, et ils ont organisé une rencontre pour que nous puissions faire connaissance. D’ailleurs, une des fondatrices du théâtre, Ida Marinelli, était venue avec la troupe assister à Tots Ocells à la Biblioteca en octobre dernier. Les oiseaux volent vraiment des deux côtés des murs.

Pendant la visite, nous avons rencontré une grande partie de l’équipe. C’est un théâtre important, avec trois salles de tailles différentes (une de 500 places, une autre de 210, et une plus intime d’une centaine de spectateurs). Ce fut un plaisir de rencontrer Ida Martinelli, Ferdinando Bruni et Francesco Frongia, trois des fondateurs du Teatro Elfo, ainsi que toute l’équipe. Nous avons été particulièrement inspirées de voir comment ils restent présents au théâtre, l’accompagnant et se laissant accompagner, après tant d’années de direction. Eux aussi conçoivent l’espace scénique comme un jeu de relations et de dispositions entre public et scène, et nous avons pu parler de leurs nombreuses expériences, des formats très différents qu’ils ont testés, des textes et gestes théâtraux explorés...

Cette belle visite s’est terminée par un superbe apéritif qu’ils avaient préparé. En discutant avec le personnel du bar, nous avons pensé à Núria et au bar de la Biblioteca, aux tapas préparées ici et là, et à l’importance d’avoir un centre social chaleureux et humain. Une grande partie de l’équipe nous a rejoint·es de nouveau, nous avons continué à faire connaissance, et tissé des liens que nous aimerions cultiver. En somme, une visite pour laquelle nous ressentons une profonde gratitude. Il n’y a pas grande différence entre un théâtre et un cœur quand les deux s’ouvrent grand.

Venise

Ce voyage, comme un Grand Tour romantique, s’est terminé à Venise. Là-bas, nous attendait l’équipe du Teatro Stabile del Veneto, qui gère les théâtres publics de Venise, Padoue et Trévise. Nous nous sommes connues en juillet dernier grâce à la complicité d’Enrico Ianniello, et dès le premier moment, nous avons partagé avec Filippo Dini, directeur du théâtre, notre amour pour l’œuvre de Mouawad. Une admiration et une affection communes qui nous unissent dans la recherche d’une poétique nécessaire, ample, généreuse et sans concessions.

Nous rêvons de faire du théâtre ensemble, de créer un va-et-vient entre nos deux compagnies, de poursuivre ce dialogue né à travers Mouawad et la curiosité de l’autre. Nous nous souvenons d’une phrase que nous avons entendue de Filippo Dini dans une interview, et qui résonne profondément avec notre manière de comprendre le théâtre :

“Le persone hanno il desiderio di perdersi nella magia di qualcosa che avviene lì, in quel momento, soltanto per loro.”
Les personnes ont le désir de se perdre dans la magie de quelque chose qui se passe là, à ce moment-là, uniquement pour elles.