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10.04.2024

Jean-Guy Lecat. Notes sur l'espace.

Mardi 6 juillet 2010, nous avons eu le plaisir d'avoir une conversation au Teatre La Biblioteca avec le scénographe et maître de l'espace théâtral Jean-Guy Lecat. Pour nous, Lecat est un grand référent. Il a travaillé pendant plus de 25 ans avec Peter Brook et il a découvert et a transformé en théâtre des espaces très divers comme le Mercat de les Flors à Barcelone, à l'occasion de La tragédie de Carmen (1985), ou encore Les Bouffes du Nord à Paris (1974). Nous avons voulu récupérer certaines des notes que nous avons prises ce jour-là et qui nous accompagnent pour concevoir de nouveaux espaces de théâtre.

 

1

Le théâtre ne peut exister que dans deux catégories d'espace : la nature et l'architecture (rues, intérieurs...).

À partir du moment où un cadre est créé... dans une carrière... l'être humain est trop petit.

La proportion est la relation entre les personnes et la nature.

 

2

L'espace est une adresse, un endroit que nous connaissons, où nous pouvons nous retrouver ; un lieu où nous savons que nous pouvons trouver les autres.

Il s'agit d'entourer l'acteur de la vie du public.

Que faisons-nous des murs que nous avons hérités d'un contexte d'architecture ? Il faut leur donner un sens.

 

3

Nous devons fermer l'espace pour obtenir trois choses. Premièrement : concentrer l'action. Deuxièmement : créer de nouvelles entrées (par exemple, une double entrée sur scène facilite le mouvement des acteurs, car ils n'ont pas besoin d'attendre pour entrer tant que les autres ne sont pas sortis ; cela peut se faire simultanément). Troisièmement : renforcer la présence de l'acteur, le projeter vers le public lorsque nous sommes dans des espaces en perspective qui rendent l'acteur trop petit.

 

4

Face à des murs vivants et neutres, n'importe quelle pièce peut être représentée sans être encadrée dans une époque spécifique.

L'espace "naturel" est le plus neutre possible. Les murs ne sont importants que parce qu'ils projettent l'énergie des acteurs.

Les murs réapparaissent tout au long d'un spectacle au moment où un acteur les récupère pour lui-même et pour l'action. Créer, donc, les conditions qui permettent aux murs d'apparaître et de disparaître à volonté.

 

5

Il s'agit toujours de rendre l'intimité entre le public et les acteurs plus grande.

 

6

Le public lui-même peut créer l'environnement du théâtre.

En fait, on peut créer une identification totale, par la manière d'organiser le public, de sorte que le spectateur quitte sa place pour se joindre à l'acteur.

L'être humain n'est pas seul, il est réuni. Au théâtre se crée la forme de la communauté : le théâtre n'est pas fait pour voir des spectacles, mais pour se réunir avec les gens.

 

7

Isoler les personnages en effaçant les murs de la scène est un moyen de montrer que n'ont rien.

 

8

L'avantage de l'espace derrière le rideau est qu'il n'a pas de distance : il peut susciter l'imagination de chacun.

 

9

La différence entre le théâtre et les autres arts est que, donnée une image, elle suscite autant d'imaginations que de personnes. Le problème de l'image photographique est que nous la décryptons rapidement et alors nous en avons besoin d'une autre image. En revanche, les images produites par notre imagination sont liées à notre souffrance et à tout ce que nous avons vécu, de sorte que nous pouvons les voir et les ressentir plusieurs fois.

 

10

Sur une scène, nous n'avons pas besoin d'aller chercher les images que nous pouvons trouver ailleurs, mais le théâtre est la vie émise par un acteur.

 

11

Dans Hamlet, il y a l'idée d'un centre. Une porte s'ouvre : la vengeance ; une autre porte s'ouvre : la mère ; une autre porte s'ouvre encore : la fiancée. Hamlet est un personnage qui doit devenir aveugle pour voir à l'intérieur de lui-même.

Dans des contextes agressifs (par la dimension, par exemple, ou par la qualité de la couleur, du matériau), il ne s'agit pas de cacher ou de couvrir, mais d'introduire une limite qui rassemble le public et les acteurs. Rechercher l'échelle humaine sans renoncer à la force de l'espace.

 

12

Dans les tragédies grecques, il y a toujours l'idée de mouvement, de partir d'un endroit et d'arriver à un autre.

 

13

Les êtres humains font partie du passé. Nous ne faisons partie du futur qu'à travers les artistes. L'architecture finie n'a pas de place dans le futur. Au Moyen Âge, la construction ne se terminait jamais. Si un bâtiment devait être reconstruit, cela se faisait différemment.

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